Ce début d'année 2021 est marqué par deux termes. Crise économique et bulle financière. Des mots qui font peur. Mais qu'en est-il vraiment ?
Nous avons déjà parlé de la crise économique et de son application (ou non) à l'année 2021. Nous allons aborder maintenant le deuxième thème, celui de la bulle financière. Avant de demander à deux experts leurs avis sur la supposée bulle financière de 2021, définissons ce concept.
Créateur de fonds internationaux parmi les plus importants et les plus performants au monde. Il dit ainsi que les bull markets naissent dans la dépression et meurent dans l'euphorie. Par conséquent, pour avoir une fin de bull market ou de correction boursière, il y a besoin d'une capitulation. Que ça soit à la baisse ou à la hausse.
Ceci souligne de fait bien l'importance du facteur psychologique dans le phénomène de bulle financière. Prenons donc en compte cet aspect.
Le sentiment de marché fait référence à l'attitude générale des investisseurs envers un titre ou un marché financier. Il s'agit donc du sentiment ou ton d'un marché. De la psychologie de la foule, de l'émotion dominante. Tel qu'il est révélé par l'activité et le mouvement des prix des titres négociés sur ce marché.
De manière générale, la hausse des prix indique un sentiment de marché haussier. Tandis que la baisse des prix indique un sentiment de marché baissier.
Le sentiment du marché fait ainsi référence au consensus général concernant une action ou le marché boursier dans son ensemble.
Une science est par principe plus ou moins vérifiable ou exacte. Mais les sciences économiques comportent un fort aspect social. Elles ne sont par conséquent pas exactes. Cela s'applique aussi en parlant de bulle financière. Une grande partie de la dynamique se base sur le sentiment des gens, sur une sorte d'effet de foule. Plus il y a de gens sur les marchés qui ont peur, plus des faits négatives ressortent. Il y a un vieil adage qui dit :
Plus il y a d'acheteurs, plus le marché monte.
Pourquoi ? Tout simplement parce qu'il y a plus d'acheteurs que de vendeurs. De même, plus le sentiment du marché est la peur, plus il y a de vendeurs. Et plus le marché sera baissier.
Quand tout le monde va dans la même direction, à un moment donné, les marchés ne peuvent plus fonctionner. C'est à ce moment-là que les crises commencent à se construire. Et que se font sentir les prémisses de l'explosion, si bulle financière il y a.
Thomas Veillet se rappelle de ce jeudi de septembre 1998. Un nombre inimaginable de rumeurs circulent, annonçant des grandes banques et des sociétés d'assurance en faillite. Les marchés ont ouvert à -16 ou -17 % en l'espace de 24h. La panique a en fait enclenché un effet de foule qui a déclenché la capitulation finale. La bulle financière a explosé sous le flot des investisseurs qui souhaitaient tous sortir en même temps.
La bourse et la finance comportent, nous l'avons vu, une grande part de psychologie. Pour comprendre cela, il faut prendre en considération le fait que l'être humain n'aime pas prendre de risque tout seul. Son instinct grégaire le pousse à être en groupe. Et donc à suivre un effet de groupe, de foule.
L'effet de groupe rassure l'investisseur. Ce qui n'est pas forcément toujours une bonne chose. Car un investisseur indépendant et affranchi avec ses propres idées peut être très performant.
Mais, comme précédemment évoqué, la bourse n'est pas une science exacte. Il n'est donc pas possible de répliquer le coup du siècle chaque année. Parce que, par définition, le coup du siècle arrive tous les 100 ans et non pas tous les trimestres.
Un investisseur ne vend pas au plus bas car il a trop d'argent. Il vend poussé par un effet de panique de groupe. Panique qui est souvent exacerbée par les médias. L'instinct grégaire pousse en effet à suivre la foule. Parce que personne ne souhaite être le seul à rester investit. Alors que sortir au plus bas est le pire moment possible.
Vous devez acheter quand tout le monde panique et vendre quand tout le monde pense que c'est trop facile. L'esprit contrarien par excellence s'illustre dans cet adage.
Wall Street a signalé deux groupes auxquels un investisseur peut revendiquer son appartenance. Les bulls et les bears, les taureaux ou les ours. Dans cet article dédié, je vous explique d'où viennent ces termes : Etes-vous ours ou taureau ?
Généralement, un investisseur est l'un ou l'autre de par son caractère. Si vous préférez jouer la hausse, vous êtes bull. Dans le cas contraire, vous êtes donc bear.
Le camp des bears parie sur des baisses fortes et ponctuelles. Souvent très rémunératrices mais potentiellement violentes.
Si vous êtes bear vous allez donc contre la tendance depuis 11 ans. Au contraire, un bull peut profiter de la tendance de fond.
De manière générale, un bull sera plus positif qu'un bear.
Une bulle financière est un cycle économique qui se caractérise par la valorisation rapide du prix des actifs. Cette escalade est ensuite suivie d'une diminution de la valeur des mêmes actifs. Cette descente est appelée contraction, krach boursier ou éclatement de bulle. Elle correspond à une correction du marché.
Généralement, une bulle financière est créée par une flambée des prix des actifs. Et est due à un comportement exubérant du marché. Pendant une bulle, les actifs se négocient à un prix dépassant largement leurs valeurs. Le prix de l'action ne correspondant plus du tout à sa valeur intrinsèque, à ses fondamentaux.
Parlant d'une action, il s'agit donc de la somme des bénéfices que réalisera l'entreprise. Par conséquent, la bulle financière se forme quand le prix de l'action dépasse durablement et excessivement cette valeur. La hausse initiale entraine des anticipations de hausse futures qui attirent alors de nouveaux investisseurs. Ce qui provoque des hausses irraisonnées, déconnectées de l'état des entreprises.
Une bulle financière se produit quand le prix d'un bien augmente bien au-delà de sa valeur réelle. La bulle financière est communément attribuée à un changement de comportement des investisseurs. Car ceux-ci pensent pouvoir revendre l'actif à un prix plus élevés à l'avenir.
En outre, les causes de ce changement de comportement font débat et peuvent être diverses.
Hyman P. Minsky est un économiste américain. Ses travaux sont fondamentaux dans la compréhension des crises économiques et des bulles financières.
Il dissèque en 5 étapes l'anatomie d'une bulle financière.
Parfois, la panique s'installe immédiatement. Dans d'autres cas, il faut jusqu'à plusieurs années pour que la crise se développe pleinement. Lors de la crise des dot.com, la panique s'est produite presque immédiatement. Alors qu'il a fallu quelques mois pour qu'elle s'installe lors de la grande crise financière de 2008.
La bulle internet eut lieu à la fin des années 90. Elle se caractérise de fait par une augmentation rapide de la valeur des actions des sociétés internet et tech. Elle trouve ses racines dans des investissements spéculatifs et de capital-risque trop abondants dans les start-ups.
Une fois que ce dernier a été dépassé sans heurts, les marchés sont entrés dans une frénésie boursière sans précédent. Accompagnée par l'émergence d'internet. C'est un internet différent de celui que nous connaissons actuellement. Mais il est rapidement devenu populaire.
Et ce même si personne ne savait vraiment comment. Ni quel serait l'économie d'internet sur un horizon de 5 ou 10 ans.
Les investisseurs ont donc commencé à déverser de l'argent dans les jeunes pousses spécialisées dans internet dans l'espoir qu'elles seraient rentables par la suite. A cette époque, il suffit d'avoir un .com derrière le nom d'une société pour que l'entreprise soit valorisée.
Il s'agit d'une entreprise active dans la vente d'aliments pour animaux domestiques. Ils ont changé leur nom de Petfood à Petfood.com. Du jour au lendemain, le titre a littéralement explosé. Et ce alors que fondamentalement, rien n'avait changé dans leur business model. L'entreprise n'avait même pas développé un site internet. Et ne parlons même pas de e-commerce.
Les marchés sont en fait entrés dans une bulle financière où tout le monde achetait plus ou moins tout et n'importe quoi. Le courant dominant pensait que si une société entrait sur internet, elle allait alors automatiquement augmenter son chiffre d'affaire. Pourtant, à cette époque, peu de personnes savaient réellement se connecter. Et il n'existait aucune sécurité ni moyen de réaliser du e-commerce.
Yahoo vaut alors 1 400 fois les bénéfices de l'année suivante. Ce qui signifie que l'entreprise devait espérer une croissance de 1 400 % pour rester en ligne en terme de valorisation.
La valeur des marchés boursiers a connu une croissance exponentielle au cours de cette période. L'indice Nasdaq, dominé par la technologie, passe de moins de 1 000 à plus de 5 000 entre les années 1995 et 2000. Les choses commencent à changer en 2000. Et la bulle éclate entre 2001 et 2002, les actions entrant dans un marché baissier.
Le krach qui a suivi a vu l'indice Nasdaq dégringoler d'un pic de 5 048,62 le 10 mars 2000 à 1 139,90 le 4 octobre 2002, soit une chute de 76,81 %. À la fin de l'année 2001, une bonne partie des entreprises Dot.com publiques avaient fait faillite.
Donc la bulle financière a littéralement explosé en quelques semaines. Pour mener à un bear market, à une dépression terrible.
Ont alors suivi deux ou trois années très compliquées, entre 2000 et 2003. A l'explosion de cette bulle financière s'est de plus ajoutés les événements du 11 septembre ainsi que des tensions politiques.
C'est à ce moment-là que le marché a construit une nouvelle bulle financière. Celle des subprimes. Cette dernière a été marquée par de la spéculation sur les marchés immobiliers et la titrisation. Soit la construction de produits structurés sans garanties.
Cette nouvelle bulle financière a eu pour résultat l'expulsion de centaines de milliers de propriétaires immobiliers aux Etats-Unis. Un grand nombre de personnes ont ainsi perdu des fortunes. Cette bulle financière a en effet vu un effondrement des marchés financiers. Au final, un seul banquier a été jugé responsable et condamné à une peine de prison, Bernard Madoff.
Une crise mondiale et profonde. Alors que, juste avant cette période, personne n'imaginait que les marchés puissent baisser un jour.
Les marchés sortiront de cette crise grâce au soutien de la FED (Federal Reserve System, la banque centrale américaine). Cette organisme, pour ce faire, met en place le QE fin 2009.
La FED met donc ce programme en œuvre, pour sortir de cette bulle financière. Le QE est en fait une politique monétaire publique qui voit la banque centrale racheter de la dette publique de manière massive. Le but étant d'injecter des fonds dans l'économie et de stimuler la croissance.
Les marchés fonctionnent sur un rythme cyclique. Avec une importance centrale portée au facteur psychologique.
En 2021, les marchés vivent un bull market. Débuté juste après la crise des subprimes en 2009, c'est donc un des plus longs de l'histoire.
Thomas Veillet est l'un des experts en bourse de Les Investisseurs. Il dirige Morningbull et Morningbull Plus. Avec pas loin de 30 ans d'expérience dans la finance, Thomas est un bull convaincu. De plus, il gère son portefeuille de manière prudente et sa vision est de long terme.
C'est évident que nous allons voir un krach ainsi que l'explosion d'une bulle financière. Tout simplement car les marchés ne peuvent pas monter sans arrêt et indéfiniment. La question est donc de savoir quand.
Ce qui me raccroche, c'est que les krachs annoncés, ça n'existe pas.
Or, souvent la bulle financière, on ne souhaite pas la voir. On ne la voit pas venir, comme c'est arrivé en 1987, 1998, 2000 ou 2008. De plus, j'ai la conviction qu'il ne peut pas y avoir de bulle financière qui explose tant que les investisseurs ne sont pas dans une phase euphorique. Il faut cette phase euphorique pour que les marchés s'effondrent.
Toutes les crises que j'ai pu vivre ces 20 dernières années ont toutes comme point commun cette phase d'euphorie. Qui n'est pas présente aujourd'hui.
Je pars en vacances en février à Dubaï. Avant de partir, j'achète des actions d'une société suisse. Et entre le moment où je pars prendre l'avion et le moment où j'arrive à Dubaï, mes vacances étaient payées. Juste avec la hausse de ce titre-là en quelques heures.
Or, pour que les marchés paniquent, pour qu'on ait un décrochage final, il faut que les investisseurs aient quelque chose à vendre ou à perdre. Qu'ils aient peur.
Mais je vois des investisseurs qui ont 10 % d'actions dans leurs portefeuilles. Par conséquent, même si les marchés perdent 30%, ces investisseurs vont perdre 3 %. Ce qui n'est pas à même de les faire paniquer. Or, ce qui fait paniquer, c'est la perte de 30 %.
Ce qu'il faut retenir, c'est que tout est cyclique. Les cycles des marchés recommencent. Nous n'allons jamais entrer dans un marché qui ne fait que baisser. Ou que de monter.
Le soutien des banques centrales est aussi un facteur à prendre en considération.
Clément Bourdy, expert en Bourse et Investisseur de crise partage avec nous son avis sur cette question de la bulle financière.
Une bulle financière étant une survalorisation sur les marchés, il est clair que les marchés américains sont dans une telle configuration actuellement.
Peut-on imaginer que la bulle boursière mène par effet domino à une crise financière puis à une crise économique? À ça, il est difficile de répondre.
En revanche, beaucoup d’indicateurs incitent à la prudence. Le reste n’est que du timing pour comprendre à quel moment cette dernière peut exploser.
Des questions ? N'hésitez pas à nous contacter