Le Billet de Thomas Veillet – 20 Mars 2023

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La crise des banques et les taux qui montent

 

Sommaire du billet :

 

Cher investisseur,

 

C’est la onzième semaine de l’année c’est au moins la troisième ou quatrième fois que l’on peut clairement utiliser le terme de « SPECTACULAIRE ». Face à l’effondrement d’une partie du système bancaire, les indices s’en sont relativement bien sortis, mais nous attendons toujours de savoir si la contagion est toujours possible ou si, comme nous le disent plusieurs experts financiers, les choses sont en train de se régler et que le pire est derrière nous.

En tous cas, on peut dire qu’encore une fois les autorités ont dû intervenir pour récupérer les casseroles de certaines banques et rassurer le peuple qui se ruait aux caisses pour retirer leur argent. Encore une fois dans l’histoire de la finance, on aura appris que lorsque vous êtes une banque – vous avez ce petit truc en plus qui fait que l’on ne peut pas vraiment vous laisser tomber. Dans les autres business que l’on trouve sur terre, ce n’est pas pareil. Les autres, on peut les laisser tomber, mais les banques on ne peut pas. Peut-être que la cicatrice de Lehman Brothers est encore trop fraîche pour que l’on oublie.

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L’inflation, les taux au second plan

Pour bien comprendre ce qu’il se passe, il faut revenir un peu en arrière :

Lundi nous avons donc frisé le Lehman Brothers 2, le retour. Nous avons eu une banque que personne ne connaissait jusqu’à là, qui a fait sa fortune dans le financement des start-ups et sur la folie de la tech dans la Silicon Valley. Cette banque, à force d’avoir trop d’argent dans ses caisses, a investi dans des bons du trésor US pour parquer tout cet excédent. Sauf que quand tu achètes des obligations qui rapportent 1.6% il y un an et qui rapportent 5% aujourd’hui et que t’es obligé de tout vendre parce que vos clients veulent récupérer LEUR fric, vous vous retrouvez dans une situation qui fait que les marchés paniquent… Et soudainement on ne parle plus de l’inflation et de la hausse des taux. Les préoccupations étaient ailleurs.

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Le gouvernement au secours

Mais heureusement, comme d’habitude, quand une banque fait une connerie, le gouvernement est toujours dispo pour trouver des montagnes de cash pour sauver la mise de tout le monde. C’est impressionnant comme l’argent est facile à trouver dans ce genre de situation, alors que dans d’autres cas, c’est tout un casse-tête. On signalera au passage que même si Yellen et ses amis ont sauvé la situation et (potentiellement) sauvé le système bancaire de la contagion en mettant 25 milliards de dollars sur la table, on n’a toujours pas trouvé un moyen de régler le problème du plafond de la dette. Oui je ne vais pas me plaindre (comme d’habitude), mais il faut quand même noter que :

Nous n’avons toujours pas trouvé de solution au plafond de la dette !!!

Donc, l’affaire SVB est réglée et le Bull Market pouvait reprendre et retourner aux sujets qui sont vraiment importants, comme la révolution de l’intelligence artificielle ou le Bitcoin qui sera à 1 million 500 mille en 2030. Toujours est-il que ce marché est absolument passionnant. Lorsque l’on regarde ce qui se passait le week-end dernier et que nous avons ouvert lundi dernier dans une hausse de près de 2%, on se dit qu’il y a quand même quelque chose qui ne tourne pas rond dans ce monde. Ou alors c’est moi qui ne comprends plus rien, ce qui ne peut pas être exclu non plus.

 

Ce marché est presque trop facile

Ce qu’il y a de bien dans ce monde financier, c’est que plus les années passent et plus l’on se rend compte que les banques et le système bancaire, ont cette chance d’obtenir régulièrement cette carte que tout le monde veut avoir au Monopoly, celle qui permet de sortir de prison sans avoir à payer d’amende. À chaque fois qu’une banque fait une connerie sur la planète, on a immédiatement un gouvernement qui accourt pour lui sauver les fesses sans qu’il n’y aille la moindre conséquence désagréable, parce que finalement nous sommes tous des amis et il n’y pas de raison de se fâcher « QUE » pour quelques milliards.

 

Ces formidables Managers intouchables

Et puis comme d’habitude, les managers de ces banques sont au top. Par exemple ; le CEO de SVB avait pris soin d’exercer ses stocks options juste quelques jours avant l’effondrement de SVB – le gars a récupéré un peu plus de 2 millions, ce qui devrait lui permettre de tenir un peu, sans compter qu’il avait touché 1.5 million de bonus il y a juste quelques semaines. Alors oui, on sait que c’est un vrai professionnel de la finance et c’est parfaitement logique qu’il soit payé des sommes pareilles et qu’heureusement que c’est un visionnaire puisqu’il a sorti son cash juste avant que ça parte en vrille. On est tous d’accord que ça n’est que pure coïncidence. Ce qui est moins une coïncidence – dans le cas de SVB – c’est le cas de Monsieur GENTILE. Lui, il était « Chief Administratif Officer » de la SVB, mais avant ça, il était CFO chez Lehman Brothers, juste avant la faillite. Mais aussi, juste avant ça, il était top manager chez Arthur Andersen, juste avant la faillite. Le type a quand même participé de l’intérieur à trois des plus grosses faillites retentissantes de ces 20 dernières années. Je ne sais pas vous, mais moi je vais me connecter avec lui sur LinkedIn, pour savoir où il va bosser après. Histoire de savoir quoi shorter ensuite.

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Les USA font bloc

Pour commencer cette semaine nous avons donc appris qu’encore une fois, les USA ont fait bloc derrière les banques américaines. À peine la SVB en difficulté, ils sont arrivés au grand galop pour annoncer que ça allait bien se passer et que les gens de la FED avaient passé la moitié du week-end à se plonger dans les livres d’histoire, pour voir comment leurs collègues avaient géré la crise de 2008. Et dans la foulée, on a réactivé le principe du « too big to fail » en le modifiant quelque peu. Les autorités ont donc décidé de « garantir » les dépôts des clients dans toutes les petites banques similaires à SVB – il faut savoir qu’aujourd’hui nous avons encore une vingtaine de banques que nous ne connaissons pas en Europe, qui sont encore susceptibles de mettre la clé sous la porte. Au début de la semaine, on a même parlé de Charles Schwab, qui pagaye encore pour rassurer les clients et en ce moment, on parle toujours de First Republic qui est toujours très mal en point d’un point de vue « marché », vu que les investisseurs n’ont pas confiance et que les clients… non plus.

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Mardi, les choses ont empiré. Non seulement il y avait les chiffres du CPI qui devaient sortir, mais en plus on ne parlait plus que de contagion et de risque systémique. Biden était devant les caméras pour dire que TOUT VA BIEN, Yellen aussi. Et on sait tous que lorsque les politiques viennent parler devant la caméra, c’est que ça n’est pas une bonne nouvelle. Mais en plus, un nouveau nom est apparu dans la liste des noms des banques qui pourraient partir en sucette.

 

On oublie les taux

Mardi nous avons donc commencé à parler de banques comme Sandy Spring Bancorp, Dime Community Bancshares, Prosperity Bancshare, ou encore Zions Bancorporation et Heartland Financial USA. Que des noms de banques qui sont susceptibles de partir en vrille et de fermer boutique. Il va falloir s’y habituer parce que là tout de suite, c’est l’axe principal des marchés : l’avenir des banques et du système bancaire qui doit lutter contre la contagion et l’effondrement.

Alors que l’on se rassure, comprendre comment fonctionne le système bancaire américain, c’est à peu près Mission Impossible, et encore, je ne suis même pas certain qu’Ethan Hunt accepterait la mission, trop compliqué. Mais toujours est-il que c’est comme pour le COVID, on trouve toujours des financiers à la ramasse et à recherche d’une minute de gloire qui sont d’accord de venir parler sur un plateau télé pour expliquer aux masses laborieuses ce qui est en train de se passer. Et je peux déjà vous dire que c’est un sacerdoce, parce qu’en 2008 la moitié du système bancaire américain est parti en vrille – il y avait même un site internet dévolu qui tenait compte des avis de décès des banques au fur et à mesure.

Entre 2008 et 2012, 465 banques américaines ont fait faillite – et aujourd’hui, dans le monde financier vous ne trouverez pas une personne sur cent qui est capable de vous raconter ce qui s’est vraiment passé. Je ne suis même pas certain que l’on comprenne ce qui se passe actuellement d’ici que le Bitcoin soit à 1 million. Mais une chose est certaine, la seule chose dont se souvient très bien, c’est qu’après la crise des Subprimes, ce fût le début d’un bull market de folie, assisté par les banques centrales…

 

Les taux ? Quels taux ?

La séance d’hier aura donc été hectique avec les Européens qui revenaient soudainement à la réalité et qui prenaient conscience que le battement d’aile d’un papillon dans la Silicon Valley pouvait déclencher pas mal de trucs pourris en Europe et dans le monde et que les Chinois qui achètent des sacs à main ne suffiraient pas si le système bancaire américain et mondial venait à s’effondrer. Alors bien sûr, le système bancaire ne va pas s’effondrer mais comme nous avons tendance à surréagir, il n’en fallait pas plus pour que le bain de sang continue dans le secteur financier un peu partout autour de la planète.

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Les premiers jours de la semaine ont donc été catastrophiques et la peur qui planait sur les marchés rappelait fortement l’automne 2008 ou l’ensemble de l’année 2011 – on se demandait sans arrêt qui serait la prochaine banque qui allait capoter et d’où viendrait le prochain vent de panique… Et puis, soudainement nous avons trouvé un semblant de solution : Peut-être que la crise bancaire avait du bon, parce que l’on a commencé à se dire que si l’on était aussi « mal » que ça, il se pourrait éventuellement peut-être, que la FED…ne monte plus les taux. Les banques se sont fait défoncer avec l’art et la manière, mais pour le reste nous avons su trouver un argumentaire en béton pour sauver « Le Soldat Marché » : la fin de la hausse des taux !!! Et même mieux, certains parlent déjà de baisse de 75 basis points d’ici la fin de l’année !!! Dire que ça fait des mois que l’on cherche une solution pour faire la peau à l’inflation, alors qu’il suffisait de mettre deux ou trois banques en faillite pour régler l’histoire !!!

Depuis mardi, l’inflation n’est plus un problème, la hausse des taux non plus, puisqu’il n’y en aura plus, quant à la récession… euh… c’est pas le moment d’en parler là tout de suite, on va déjà gérer le problème des banques. Et la guerre en Ukraine on en parle encore ?? Oui, non, mais ça suffit ou bien ?? On a dit qu’on parlait des banques et de tout le bien que ça faisait pour l’inflation !

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Le mécanisme

Donc les banques sont en faillites à cause de la rapide hausse des taux ont soudainement fait réagir les intervenants qui se sont dit que la FED ne pouvait plus décemment monter les taux au risque de mettre en faillite d’autres banques et de mettre en péril les épargnants. Même si Biden a assuré que tout allait bien se passer. En général quand il y a une merde quelque part et que 36 heures après, les politiques s’en mêlent, c’est que c’est très grave, mais passons. Tout ça pour dire qu’hier les investisseurs ont changé de vision d’avenir.

 

Vision d’avenir

Le calcul et la réflexion sont assez simples. Les taux ne peuvent plus monter au risque de démonter d’autres banques, la probabilité de voir une hausse de taux de 0.5% lors du prochain FOMC Meeting est donc passée de 40% à…zéro en 36 heures. La probabilité de voir une hausse de 0.25% a chuté de 30% et on estime que près de la moitié des intervenants parient sur un statu quo dans une semaine. Sans compter que l’on parle déjà de 75 points de base de baisse d’ici la fin de l’année. Voilà. Tous les arguments nécessaires sont là pour limiter la casse aux USA. Du coup, les rendements se sont effondrés, les bons du trésor à un an sont passés de 5.3% à 4.4% en trois jours, soit 17% de baisse. Sur le 2 ans avons chuté de 18% et le 10 ans est revenu à 3.56% alors qu’il caracolait à plus de 4% la semaine dernière.

Il faudra donc retenir que la volatilité prend l’ascenseur – la VIX a tapé les 30% hier – que les banques s’effondrent sans distinction de pays, de région ou de taille, mais qu’à côté de cela, on est en train de se dire que l’inflation n’est plus un problème et que c’est bien plus important de sauver le cul de certaines banques qui ont été gérées comme des manches. On retiendra aussi que l’on commence à dire que le système bancaire américain a été carrément privatisé par le gouvernement pour éviter la contagion et que là tout de suite, on n’est pas encore complètement rassuré sur le fait que contagion, il n’y aura pas. Pour le moment, c’est mieux de sortir avec un masque et de respecter les distances sociales.

 

L’inflation fait ce qu’on lui demande

Mardi dernier, l’inflation est donc sortie « dans les attentes », à savoir à 6% en baisse de 0.4% par rapport au mois dernier. C’est une bonne nouvelle, mais lorsque l’on creuse à l’intérieur des chiffres, on se rendait compte que ça n’était pas encore gagné et que les doutes affichés le mois dernier étaient encore bien présents. Ce qui nous menait à la réflexion par rapport à ce que va faire la FED la semaine prochaine – lors de son meeting du 21-22 mars. Voici donc quelques scénarios pour la semaine prochaine.

 

Scénario numéro un : Les taux restent inchangés

Le scénario numéro un, c’est le scénario privilégié par Goldman Sachs. Selon la banque d’affaires américaine, Powell ne va rien faire. Si ce n’est gagner du temps et essayer de ne pas mettre les banques régionales un peu plus dans la panade parce que leurs investissements en bons du trésor vont continuer à ne pas valoir grand-chose, mais qu’au moins ça ne sera pas pire. Cette non-action ne résoudra pas le problème de l’inflation, cependant en ne faisant rien pendant plusieurs mois, on verra si l’inflation continue de baisser d’elle-même par l’effet du Saint-Esprit ou si est-ce qu’elle va en profiter pour s’échapper et redevenir hors de contrôle (pour autant qu’elle soit sous contrôle). De toutes manières, il sera toujours temps de paniquer lors du prochain meeting et on pourra tous dire que Powell a été nul… si ça ne marche pas.

 

Scénario numéro deux : les taux montent de 0.25%

Le scénario numéro deux, c’est le scénario où l’on ne se mouille pas. C’est le scénario du consensus. Cela montrerait que la FED n’a même pas peur de la crise des banques et que 0.25% ça ne va pas changer la face du monde pour les banques qui sont en pertes – on n’est plus à un ou deux milliards près – mais en même temps, ça permet (hypothétiquement) de garder le contrôle sur l’inflation et de montrer qu’il n’est pas question de se laisser détourner de sa mission, quitte à détruire le système bancaire américain qui est un peu sclérosé et qui semble un peu hors de contrôle au niveau « risk management ». En revanche, si la FED monte les taux de 0.25% et que le système bancaire implose aux USA, on aura au moins notre bouc-émissaire, puisque la faillite du système sera intégralement mise sur le dos de la FED. Pas des banquiers qui ont fait n’importe quoi – NON !!! – Eux ils retrouveront un job ailleurs pour aller mettre une autre banque en faillite dans 10 ans, tout sera mis sur le dos de Powell. D’ailleurs que les taux montent de 0.25%, de 0.5% ou de 2% – la sanction sera la même en cas de faillite bancaire.

 

Scénario numéro trois : les taux baissent de 0.25%

C’est le scénario de Nomura qui est passé en 24 heures d’une hausse de 0.5% à une BAISSE de 0.25% ce qui représente assez bien la volatilité du marché obligataire en ce moment. Actuellement, quand on regarde la courbe des rendements du 1 an ou du 2 ans ou même du 10 ans, on a l’impression de regarder un « MEME stock », puisque le comportement de GameStop semble soudainement plus rationnel que les obligations du gouvernement US. Toujours est-il que si Powell fait ça, on va l’encenser pour son soutien sans faille au système bancaire, mais ça sera pendant 2 semaines. Ensuite on se rendra compte qu’il a baissé son pantalon face à l’inflation qui en aura profité pour se barrer dans le champ du voisin. Et à ce moment précis, tout le monde dira que la FED est incompétente et qu’elle a perdu de vue son objectif principal et Powell devra démissionner pour être remplacé par un militant LGBTQQIP2SAA afin de respecter les quotas.

 

Et c’est pas tout

Après, il y a bien un scénario numéro quatre qui envisagerait une hausse de 0.5%, mais je crois que personne n’est assez cinglé pour envisager ça la semaine prochaine, surtout étant donné l’état physique et psychologique des banques. Il faut cependant retenir que nous vivons une période de marché qui est un « bordel » sans nom et que je ne sais sincèrement pas comment nous allons retrouver une vie normale et quelle est la voie de sortie la plus simple pour retrouver une économie saine, une inflation sous contrôle, une croissance correcte sans être ingérable et des banques centrales qui sont nos amies, sans que les gouvernements doivent injecter des centaines de milliards qu’ils n’ont pas, dans une économie qui est en train de partir en vrille avec des disparités monstrueuses qui ne cessent de grandir.

 

Lehman moment

En ce milieu de mois de mars, alors qu’il y a quelques jours encore, nous étions obsédés par la hausse des taux, l’inflation et le niveau terminal des FED FUNDS, nous avons été brutalement projetés dans le passé. À l’époque de la crise des Subprimes pour être plus précis. À cet instant très précis où l’on s’était rendu compte que les banques qui étaient censées représenter la confiance et la stabilité sans borne de l’économie, n’étaient peut-être pas finalement aussi stables que l’on avait pu le penser et que ça n’était pas parce que certaines d’entre-elles avaient des logos partout sur des Formule Un que tout allait bien. Non, en ce temps-là, on s’est rapidement rendu compte qu’à force de jouer à « Greed is Good » pour de vrai, on s’était rapidement embourbé dans des montagnes de produits structurés et que l’on ne savait plus vraiment ce que cela représentait comme risque. Ce que l’on savait – en revanche – c’est que la moindre étincelle pouvait facilement allumer le feu ! – comme disait l’autre.

Et en 2008, l’étincelle c’était Lehman Brothers qui nous l’avait donnée. Ensuite tout est parti en vrille et pendant plusieurs mois, les banquiers n’osaient même plus dire qu’ils étaient banquiers. Sauf qu’aujourd’hui, c’est pas tout à fait pareil, parce que comme le disait Monsieur Templeton, c’est différent.

 

Le Crédit Suisse dans le viseur

Depuis l’effondrement de SVB la semaine dernière, on ne va pas se mentir, on cherchait un peu qui pourrait bien être le prochain domino à se péter la gueule dans le système bancaire, même si l’on ne s’attendait pas forcément à ce que ce soit une banque suisse. Oui, parce que d’abord y en n’a point comme nous et qu’ensuite, on a un peu inventé le secret bancaire et que ce genre de situation, ça n’arrive qu’aux autres parce que chez nous, la FINMA et la BNS font un boulot de malades pour bien nous contrôler afin qu’il n’y ait pas de soucis – de bleu. Sauf que comme disait la « Loi de Murphy » : ce qui ne doit pas arriver, arrive forcément un jour. Et c’est un évènement mineur qui a déclenché l’effondrement du Crédit Suisse mercredi, leur actionnaire principal, la Saudi National Bank a déclaré à Bloomberg TV qu’elle n’envisageait «absolument pas» de lui fournir des liquidités supplémentaires, si la banque suisse en faisait la demande.

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À partir de là, on s’est dit que le Crédit Suisse n’aurait pas assez de cash pour assurer les retraits des clients et qu’en plus, en fouillant le bilan on a découvert qu’il existait une astuce comptable pour parquer des obligations d’état en les évaluant au pair – si l’on comptait les garder jusqu’à échéance. Laissant supposer qu’en cas d’utilisation de cet argent en cas de coup dur, cela provoquerait instantanément une perte abyssale. Bref, la peur associée au fait que tout le monde semblait laisser tomber la banque aux deux voiles s’est effondrée jusqu’à 30% durant la séance et son CDS à un an est monté jusqu’à 1200 points de base, laissant supposer qu’un « événement de crédit » pourrait se produire rapidement. Pas forcément la faillite, bien que le gars qui achète des CDS à ce niveau, il ne parie sur le fait que seul événement de crédit, pourrait être l’annonce que le numéro deux helvétique change son logo et remplace les deux voiles par une barque et deux rames.

 

Le COVID Bancaire

Du coup, comme d’habitude dans le monde merveilleux de la finance, lorsqu’une banque est SUPPOSÉE partir en cacahuètes, c’est tout le secteur qui se fait défoncer. Et il y avait même « Nono Le Maire » qui disait « calm down, calm down » sur Twitter. Il est vrai qu’en ce qui concerne la France, le risque de « Bank Run » est assez limité, parce que je ne sais pas si vous avez essayé de retirer plus de 1’000 Euros en cash dans la journée, mais vous verrez vite que pour vider les caisses du Crédit Agricole, il va vous falloir un moment.

Mais peu importe, vous l’aurez compris, cette semaine, ça aura été le bain de sang dans le secteur bancaire européen et l’ensemble des indices du Vieux Continent se sont fait massacrer. Le CAC40 a cassé sa tendance haussière générée par les ventes de sacs à main depuis le début de l’année, le DAX a perdu 1000 points en 5 jours et l’Italie est au fond du bac aussi. En Suisse, le SMI n’a perdu que 1.87% parce que le Crédit Suisse ne représente plus rien dans l’indice depuis bien longtemps.

 

La BNS à la rescousse

Tout le monde a commencé à tirer à boulets rouges sur les banques en général et sur le Crédit Suisse en particulier. Nouriel Roubini – l’économiste le plus déprimant de la planète – avait même trouvé l’occasion de parler pour venir dire que l’on ne pourrait JAMAIS sauver le Crédit Suisse parce que le système de fédéralisme qui est en place en Suisse ne le permettrait jamais…

Et c’est là qu’on aurait dû se méfier. Au moment où Roubini vient nous annoncer que l’on va tous mourir à cause de la Suisse, du fédéralisme, du Crédit Suisse et des élastiques de jambes de l’armée suisse, la BNS et la FINMA sont arrivés « aussi vite que possible et aussi lentement que nécessaire » pour dire qu’ils feraient « whatever it takes » pour sauver le soldat Crédit Suisse. Bref, le Crédit Suisse n’est pas en faillite pour le moment et ils ont même emprunté 54 milliards de dollars à court terme auprès de la BNS afin d’utiliser ces liquidités pour reconstruire une banque plus simple et plus tournée vers les clients. Les autorités helvétiques ont également confirmé que le Crédit Suisse remplissait tous les critères d’une banque solide et qu’il n’y avait pas de risque de contagion en Suisse. Ailleurs c’est autre chose et on n’a probablement pas fini d’en parler.

Et puis ce week-end, alors que je rédige ce commentaire hebdomadaire, on nous dit que d’ici dimanche soir, l’UBS devrait annoncer le rachat de ce qui reste du Crédit Suisse. Quant à la commission de la concurrence qui pourrait tiquer sur le fait que l’UBS devienne monopolistique – on va gentiment lui demander de la fermer.

Mais ça n’était pas fini. Parce que dans le rebond orchestré avec le sauvetage du Crédit Suisse, aux États-Unis on a réussi à faire presque mieux en inventant la mutualisation des banques. En effet, jeudi soir, un conglomérat de plusieurs grandes banques contenant des noms comme JP Morgan, Citi, Bank of America ou encore Wells Fargo, ont décidé de mettre 30 milliards de liquidités à disposition de la First Republic pour lui éviter de se retrouver dans une crise similaire à celle de SVB de créer une nouvelle angoisse sur le marché.

Oui, parce qu’il ne faut pas vous méprendre, si ces « grosses banques » volent à la rescousse des plus petites, c’est pas par grandeur d’âme et par solidarité. C’est simplement que les grosses sont terrifiées que l’effondrement des plus petites structures déclenche une contagion qui va faire tellement chaud aux fesses, qu’ils puissent se retrouver eux aussi en difficulté. Surtout quand le système est en train de partir en sucette pour la troisième fois en quinze ans !!! »…

Et puis jeudi, il y a un gars qui fait partie des « grosses banques qui sont en train de filer du fric à la First Republic » qui disait : « vous savez, il faut bien comprendre que les banques veillent les unes sur les autres »… MAIS TE FOUS PAS DE NOUS !!! Vous ne veillez pas les uns sur les autres, vous couvrez votre cul pour ne pas que ça dégénère et puis c’est tout !!!

Désolé, mais entendre des choses pareilles, ça empêche de rester calme !

En conclusion, cette semaine aura été très très volatile (il n’y qu’à voir le graphique de la Volatilité ci-dessous) et nous finissons la semaine dans le doute. Sans compter que la crise bancaire n’est certainement pas terminée et que l’on va en parler à nouveau dès lundi. De ça et du meeting de la FED. Puisqu’en plus de tout ça, jeudi dernier la BCE a montré clairement que (pour l’instant), on préférait se battre contre l’inflation que sauver les banques en difficulté. Madame Lagarde a donc monté les taux directeurs de 0.5%, mais n’a pas donné plus d’infos sur le prochain meeting de la BCE. Nous avons donc encore le temps de spéculer. Rendez-vous – non pas au premier virage – mais mercredi soir après l’annonce de la FED…

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Ce qu’il faut savoir de la semaine à venir

Points principaux :

Les membres de la Fed se réuniront pour la réunion de deux jours du FOMC Meeting à partir de mardi, avec une décision sur les taux d’intérêt mercredi soir.
Le PDG de TikTok, Show Zi Chew, témoignera devant le Congrès la semaine prochaine, dans un contexte de surveillance accrue du gouvernement à l’égard de ByteDance, la société mère de l’application de médias sociaux.
Nous aurons les données sur les ventes de logements neufs et existants en février, ainsi que le dernier indice PMI.
Le Royaume-Uni et le Japon publieront les derniers chiffres de l’inflation pour février.
Et puis on parlera des banques et (probablement) de la fusion UBS/Crédit Suisse.

 

Réunions des banques centrales

La FED se réunira mardi et mercredi. Suite à l’effondrement de SVB et aux turbulences dans le secteur bancaire, la Fed pourrait suspendre ses hausses de taux et maintenir les taux d’intérêt inchangés. Toutefois, une majorité de traders prévoit toujours une hausse de 25 points de base.

La Fed a relevé ses taux d’intérêt de 450 points de base au total, le rythme le plus rapide depuis des décennies, depuis qu’elle a commencé à resserrer sa politique monétaire il y a un an pour tenter d’enrayer l’inflation galopante.

La Banque d’Angleterre tiendra sa réunion de politique monétaire jeudi. Les responsables de la BoE devraient augmenter les taux d’intérêt de 25 points de base pour atteindre 4,25 %, le niveau le plus élevé depuis 2008.

 

Témoignage TikTok

Dans un contexte de surveillance accrue de TikTok par le gouvernement, le PDG Shou Zi Chew témoignera devant le Congrès la semaine prochaine. Les législateurs américains se sont inquiétés du fait que la société mère de l’application de médias sociaux, ByteDance, est basée en Chine et pourrait être contrainte de se conformer aux pratiques de surveillance des données du gouvernement chinois. Au début du mois, le Congrès a présenté la loi DATA (Deterring America’s Technology Adversaries Act) qui, si elle est adoptée, pourrait donner au président le pouvoir d’interdire l’utilisation de TikTok aux États-Unis. Ce qui devrait être favorable à des sociétés comme Meta ou Snap.

 

Ventes de logements en février

Cette semaine, nous recevrons des données sur les ventes de logements neufs et existants pour le mois de février. Les ventes de logements existants ont probablement rebondit à 4,18 millions d’unités le mois dernier, contre 4 millions en janvier, le chiffre le plus bas depuis octobre 2010. Les ventes ont chuté pendant 12 mois consécutifs en raison de la hausse des taux hypothécaires et du ralentissement du marché de l’immobilier. En janvier de l’année dernière, elles s’élevaient à 6,34 millions. Dans le même temps, les ventes de logements neufs devraient tomber à 648 000 unités, contre 670 000 unités en janvier, un chiffre plus élevé que prévu.

Passez une excellente semaine que l’on espère un peu moins « volatile » que la précédente !

Thomas Veillet,

Rédacteur en chef, Morningbull et Morningbull Plus

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