Le Billet de Thomas Veillet – 6 Mars 2023

vix 6 mars

Le Marché est-il indestructible ?

 

Sommaire du billet :

 

Cher investisseur,

Les marchés ont terminé en forte hausse vendredi, l’indice S&P 500 ayant mis fin à trois semaines consécutives de pertes, après que de nouvelles données ont mis en évidence la résistance de l’économie malgré les hausses de taux d’intérêt de la FED. Le Dow Jones a enregistré des gains quotidiens consécutifs de 1 % pour la première fois depuis novembre et a mis fin à une série de quatre semaines de baisse. Maintenant, il va falloir commencer à se poser la question pour savoir comment nous allons réagir lorsque – contrairement à ce que nous avons fait vendredi – nous allons prendre conscience que la FED va commencer à s’énerver en voyant que l’économie ne ralentit pas malgré la hausse des taux.

Je suis presque prêt à prendre le pari que dans trois semaines, avec des chiffres économiques aussi forts, les analystes vont commencer à parier sur une hausse des taux en direction des 6%, avec un 0.5% de hausse pour le meeting de la FED dans 15 jours.

 

Ce qui a fait bouger les marchés

Les gains des bourses mondiales se sont accélérés en fin de semaine. Le S&P 500 a mis fin à une série de trois semaines de pertes, alors que les investisseurs évaluaient l’agressivité avec laquelle la Réserve fédérale pourrait devoir relever les taux d’intérêt pour maîtriser l’inflation.

Wall Street a eu beaucoup de choses à digérer la semaine dernière, mais il semble clair que les traders pensent que nous sommes très proches du sommet malgré tous ces signes d’une économie résiliente.

En février, les actions se sont globalement repliées, compromettant un bon début d’année 2023, alors qu’une série de données sur l’emploi et l’inflation plus fortes que prévu a amené les investisseurs à réévaluer les attentes quant au niveau des taux d’intérêt de la Fed. Les investisseurs ont craint que la politique monétaire de la Fed doive être plus stricte pendant plus longtemps pour maîtriser l’inflation, ce qui a fait grimper les rendements obligataires cette semaine. Mais malgré cela, les indices mondiaux ont refusé de craquer et l’on semble toujours plus inquiet de rater le mouvement haussier que de se prendre une claque en cas de retour massif ou de ventes de panique.

marche 6 mars

Performance des indices – Source : Investing.com

 

L’inflation toujours aussi balaise

Si je me souviens bien, nous sommes partis du principe que lorsque l’inflation monte, les banques centrales n’ont pas d’autre choix que de monter les taux directeurs pour « essayer » de contenir l’animal à l’intérieur des limites acceptables – quand je parle d’animal, je parle de l’inflation. C’est d’ailleurs ce qui se passe depuis des mois et ce qui a plutôt bien fonctionné.

Enfin, sauf pour le marché des actions. Ce qui est d’ailleurs plutôt normal, puisque l’on sait que les actions ne sont pas trop fans des périodes de taux qui montent. Surtout dans le secteur de la technologie. Sauf que depuis quelques temps, on avait cru comprendre que l’on approchait de la fin du cycle et nous avions commencé à envisager l’étape suivante : la baisse des taux. Bon. Ça c’était il y a trois semaines quand tout semblait sous contrôle. Sauf que, depuis quelques jours, le centre du monde de la finance – à savoir : l’inflation – semble totalement nous échapper. Il n’est plus question de contrôle, mais plutôt de limiter la casse et la panique.

 

Les chiffres ne s’améliorent pas

Non, parce que je ne sais pas vous, mais moi quand je vois que le CPI et le PPI US ne baissent plus vraiment. Que le PCE repart à la hausse. Que l’on corrige le CPI des mois précédents pour nous dire qu’à la place de baisser, en fait il était monté. « Oups, désolé, mais tant pis pour vous ». Qu’à chaque journal télévisé, on nous colle un reportage où tu as une mère de famille qui arrête d’acheter de la viande, parce que c’est trop cher et qu’elle se contente de poulet deux fois par semaine à la place, tu commences à te dire que peut-être les chiffres dont te gave Wall Street ne sont pas tout à fait fiables et que les Banques Centrales doivent être au bord de la panique dans leurs bureaux feutrés avec des canapés en cuir à l’entrée et du whisky dans des carafes en cristal.

 

L’inflation en Europe ne s’améliore pas

En ce second jour de mars, nous attendions les chiffres de l’inflation en Europe. Et ils étaient dégueulasses. On ne va pas se mentir, les médias sont politiquement corrects et disent que ça a baissé « moins que prévu » que « ça n’a guère refroidi en ce mois de février », il ne faut pas se leurrer, c’est immonde. C’est surtout immonde par rapport à ce que l’on nous vend depuis des mois : « Oui, l’inflation est sous contrôle, nous savons parfaitement ce que nous faisons, nous avons réussi à remettre l’économie sur le droit chemin, on est les Champions, etc.” Sauf qu’hier, quand on regarde le CORE CPI en Europe, c’est-à-dire hors alimentation, énergie, alcool et tabac, l’inflation ne s’est pas stabilisée à 5,3% sur un an comme prévu, mais elle a augmenté à 5,6%.

 

On nous prend pour des idiots

ELLE A AUGMENTÉ, l’inflation.. Et on nous bassine comme quoi les « Hautes sphères des banques centrales et des gouvernements sont sur le coup » et que tout va bien. Tu parles. Macron est en balade en Afrique pour soutenir les forêts du Gabon alors qu’il n’est pas capable d’acheter des Canadairs pour sauver ses propres forêts en été. Le clown qui dirige l’Allemagne, on ne sait même pas où il est, l’Italie s’occupe surtout de l’Italie et le reste de l’Europe est occupée à injecter du pognon en Ukraine. Et pendant ce temps, le prix des carottes et des légumes de saison prend l’ascenseur, la viande devient inabordable pour le commun des mortels puisqu’il faut choisir entre faire le plein de la Renault Fuego ou acheter un steak et les officiels des banques centrales qui touchent 500k par année, vienne nous dire la gueule enfarinée, que l’inflation est sous contrôle et que ça ira mieux ce printemps.

sp 500 6 mars

 Graphique du S&P500 – Source : Tradingview.com

 

Oui, parce que la phrase « ça pourrait aller mieux ce printemps parce que l’hiver se termine », c’est LA PHRASE qui a sauvé les marchés en fin de semaine et c’est Monsieur Bostic qui l’a prononcée. Alors Monsieur Bostic, c’est le patron de la FED d’Atlanta et il fait partie des faucons de la FED. De ceux qui sont plutôt POUR la hausse des taux. Et hier il est venu dire qu’il était fermement pour une hausse des taux de 0.25% mais régulièrement, pensant que les tensions inflationnistes pourraient éventuellement mais c’est pas sûr, baisser durant le printemps, parce que les gens auront moins besoin de se chauffer. Pour être franc, il n’en n’a aucune idée. Dans son discours il a mis tellement de conditionnel que même les Compléments d’objets directs, les adverbes et les sujets étaient au conditionnel.

 

Ça nous est un peu égal

Mais nous, on s’en fichait. Parce que rien que d’avoir entendu qu’il était en faveur d’une hausse de “seulement” 0.25%, c’était une super-nouvelle. Du coup, l’inflation en Europe : HOP, à la trappe. On a immédiatement oublié le sujet. On en reparlera le mois prochain si l’on n’est pas en vacances de Pâques au même moment.
Puis le CAC40 est monté parce que les Chinois sont en train de faire des déclarations depuis trois semaines comme quoi ils veulent booster leurs économies. Et à chaque fois que les Chinois veulent booster leur économie, on se dit que c’est bon pour le luxe. On dirait même que quand la banque centrale chinoise injecte 50 milliards dans l’économie, elle verse l’argent directement sur les comptes courants d’Hermès, Kering et LVMH, puisque de toutes façons, c’est à eux que ça revient à la fin.

cac 6 mars

Graphique du CAC40 – Source : Tradingview.com

 

Les rendements prennent l’ascenseur

Et puis, comme si ça ne suffisait pas, tout le monde est en train d’envisager le pire, même si les marchés boursiers « tiennent » encore le coup sans trop de difficulté. Lorsque l’on voit les rendements des bons du trésor américain, on se dit qu’une FED qui se met à manger des graines et à se prendre pour une colombe de la paix, c’est pas pour tout de suite. Rien qu’hier aux USA, le rendement du 10 ans repasse au-dessus des 4% et se trouve au plus haut depuis novembre. Le rendement du 2 ans est au plus haut depuis 2007 – soit 4.9%. Quant au rendement du 1 an on est au même niveau qu’en 2006 et ça paie plus de 5.1%. Alors je ne suis pas un spécialiste obligataire et j’ai même tendance à dire que j’y comprends que dalle. Mais disons qu’à voir la tronche de l’obligataire américain, quand on sait que l’on est au bord du défaut de paiement parce que l’on n’est pas sûr de pouvoir monter le plafond de la dette (comme tous les 10 mois), je ne suis pas sûr que ça soit vraiment représentatif d’un marché qui a confiance en ce que fait la FED et qui se dit que « ça va bien se passer ces prochains moins ».

us 1 an 6 mars

Graphique du rendement du 1 ans américain – Source : Tradingview.com

 

Parlons un peu statistiques, ça nous changera de l’inflation et de tout ce qui va autour.

Historiquement, la troisième année d’un mandat présidentiel américain de quatre ans est de loin la plus performante des quatre. En fait, seul le rendement moyen de la troisième année est suffisamment différent de la moyenne annuelle pour être statistiquement significatif.

Mais ça n’est pas pour autant qu’il faut attendre beaucoup du reste de l’année.

Si l’on considère les exercices financiers depuis la Seconde Guerre mondiale, qui se terminent le 30 septembre, par exemple, l’indice Dow Jones a produit un gain moyen de 19,4 % au cours de la troisième année, soit plus du quadruple du gain moyen de 4,6 %, respectivement, au cours de la première, de la deuxième et de la quatrième année. Si nous ne devions nous baser que sur ces statistiques, nous conclurions de manière optimiste que les vents saisonniers continueront à souffler dans le sens d’une hausse du marché boursier jusqu’en septembre prochain.

Mais ce qui n’est pas bien perçu à Wall Street, c’est que la performance supérieure à la moyenne de la troisième année est concentrée sur le début de l’année. En d’autres termes, la forte reprise qui se produit généralement au cours des troisièmes années est souvent concentrée sur les premiers mois de ces années, laissant relativement peu de biais saisonnier à la hausse pour les mois restants.

dow jons mars 6

Graphique du Dow Jones – Source : Tradingview.com

 

On constate donc que la vigueur du marché boursier au cours des troisièmes années des mandats présidentiels s’explique par la résolution de l’incertitude qui existe avant les élections de mi-mandat. Après les élections, et surtout en janvier, lorsque les courses à la direction du Congrès et les présidences des commissions seront déterminées, la plupart de ces incertitudes auront été levées.

Depuis l’automne dernier, le marché boursier a largement respecté le modèle historique des troisièmes années. D’octobre de l’année dernière à la fin janvier, le Dow a enregistré un gain de 18,8 %. En revanche, en février, il a perdu près de 4 %.

Cela ne signifie pas que le marché boursier américain ne sera pas plus élevé à la fin du mois de septembre. La leçon à tirer de l’histoire du marché présentée ici est que, si c’est le cas, ce ne sera pas en raison du cycle des élections présidentielles. En même temps, aujourd’hui il faut se raccrocher à ce que l’on peut sachant qu’en ce moment, je ne sais vraiment plus quoi croire.

 

Les quatre choses à retenir lors de la semaine à venir

Le retour des non-farm payrolls

Le rapport sur l’emploi de février sera le dernier avant la prochaine réunion de la Fed les 21 et 22 mars et revêt une importance particulière après que le rapport de janvier ait incité les investisseurs à réévaluer leurs attentes concernant la trajectoire future des taux d’intérêt.

On s’attend à ce que l’économie ait créé 200’000 emplois le mois dernier, ce qui représente un ralentissement par rapport à la croissance fulgurante de 517 000 emplois enregistrés en janvier. Tandis que le taux de chômage devrait se maintenir à 3,4 %, son niveau le plus bas depuis plus de cinq décennies.

Un autre rapport plus fort que prévu pourrait alimenter les craintes d’une action plus belliqueuse de la Fed – une forte demande sur le marché du travail stimule la croissance des salaires, ce qui contribue à une plus grande inflation – et maintient la pression sur la Fed pour qu’elle augmente ses taux.

Les investisseurs s’attendent actuellement à une autre hausse de 25 points de base de la part de la Fed ce mois-ci, mais la tarification du marché suggère une chance légèrement plus élevée pour une augmentation plus importante.

 

Powell « on air »

Avant le rapport sur l’emploi de vendredi, M. Powell se rendra devant le Congrès pour présenter le rapport semestriel de politique monétaire de la banque centrale. Il témoignera devant le Sénat mardi et devant la Chambre des représentants mercredi.

Ses commentaires seront suivis de près afin de savoir si une hausse des taux plus importante est envisagée ce mois-ci, après que des données récentes aient indiqué une inflation toujours persistante. M. Powell a déclaré que le rapport sur l’emploi de janvier montrait pourquoi la lutte contre l’inflation « prendra beaucoup de temps ».

La Fed a ralenti le rythme des hausses de taux à 25 points de base lors de sa dernière réunion, le 1er février, après une augmentation de 50 points de base en décembre qui faisait suite à quatre hausses consécutives de 75 points de base.

 

VIX en question

Wall Street s’est redressée vendredi à l’issue d’une semaine volatile. Le S&P 500 mettant fin à une série de trois semaines de pertes et l’indice Dow Jones affichant sa première progression hebdomadaire depuis fin janvier.

Après avoir fortement rebondi en janvier, les obligations et les actions ont reculé en février. Les investisseurs craignant que la Fed n’augmente les taux d’intérêt plus que prévu et ne les maintienne à un niveau élevé plus longtemps pour contrer l’inflation.

Une plus grande volatilité des marchés pourrait bien se produire avant la réunion de mars de la Fed.

Entre-temps, la saison des bénéfices du quatrième trimestre est sur le point de s’achever, toutes les sociétés du S&P 500, sauf sept, ont publié leurs résultats. Les résultats du trimestre ont dépassé les estimations du consensus dans 68 % des cas.

vix 6 mars

Graphique de la Volatilité (VIX) – Source : Tradingview.com

 

Décisions des banques centrales

Les banques centrales du Japon, de l’Australie et du Canada doivent toutes tenir des réunions de politique monétaire cette semaine.

Vendredi, le gouverneur de la Banque du Japon, Haruhiko Kuroda, présidera sa dernière réunion après une décennie à la tête de la politique monétaire très souple. Aucun changement n’est attendu avant que son successeur Kazuo Ueda ne prenne les rênes le 8 avril.

La Banque de réserve d’Australie se réunit mardi et, alors que les responsables avaient laissé entrevoir la possibilité d’un nouveau resserrement lors de leur réunion du mois dernier, les investisseurs s’attendent désormais à ce que les taux restent inchangés après la publication de données récentes montrant que l’économie australienne est en train de se redresser.

Excellente semaine à tous !

Thomas Veillet,

Rédacteur en chef, Morningbull et Morningbull Plus

0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x