Un élément différentiateur clé de la société Ferrari en comparaison de l’industrie automobile réside dans la dynamique d’offre et de demande qui prévaut pour ses véhicules. Au 3e trimestre par exemple, les ventes unitaires du constructeur avaient baissé de 6,5% à 2’313 unités – non pas en raison d’une baisse de la demande, mais parce que la pandémie Covid-19 avait contraint la société à fermer sept semaines durant ses usines.
Le carnet de commande de Ferrari est en effet généralement plein. Quelle que soit la conjoncture. Si bien qu’un acquéreur d’un véhicule de la prestigieuse marque à cheval câbré doit généralement attendre au moins une année avant de pouvoir espérer conclure son achat – s’il est agréé au préalable par la société.
Ne se profile en effet pas détenteur d’une Ferrari flambant neuve qui veut. Pour être éligible à la liste d’attente il faut, parmi plusieurs autres critères, s’engager à ne pas revendre le véhicule avant une année de détention et prouver avoir possédé une Ferrari dans le passé. Une fois le droit d’accès à la liste d’attente octroyée, l’acquéreur devient membre du club Ferrari – un club très select, qui propose à ses membres divers événements exceptionnels à travers le monde, notamment en lien avec des compétitions de Formule 1 et des démonstrations de nouveaux véhicules.
La dynamique offre-demande dont Ferrari fait l’objet confirme qu’il est également inutile d’un point de vue économique de comparer Ferrari à l’industrie automobile.
Cette dynamique ressemble davantage à celle d’une marque horlogère prestigieuse comme Patek Philippe, où l’acquéreur d’une Nautilus neuve doit attendre 11 ans pour pouvoir espérer la posséder ou encore comme pour une Rolex Daytona, pour laquelle un client doit se préparer à attendre cinq ans.
Alors que Ferrari ne rencontrait des vents contraires que pour des raisons de contraintes au niveau de sa production, le marché automobile français exemple enregistrait en 2020 une baisse de 25,5% des demandes d’immatriculations en glissement annuel – il s’agissait là bien d’un problème de demande.
Comme un client de la prestigieuse marque italienne d’automobiles est prêt à attendre longtemps pour acquérir un tel véhicule neuf, il est généralement aussi prêt à en payer le prix fort. Mais la sensibilité aux problèmes environnementaux de la clientèle Ferrari semble aussi se confirmer.
D’une façon un peu provocatrice, le CEO de Ferrari Louis Camilleri déclarait il y a peu qu’une Ferrari pollue moins qu’une Volkswagen. C’est vrai si l’on compare les émissions dues à une Ferrari parcourant une distance moyenne de 5’000 kilomètres par an à une Volkswagen qui roule tous les jours plus de deux heures.
Cela n’empêche, le groupe n’échappe pas aux pressions réglementaires et aux changements de préférence des clients, favorisant de plus en plus les véhicules hybrides et électriques. Toutefois, en raison de ses volumes de production très bas en comparaison d’autres constructeurs, Ferrari bénéficie aujourd’hui souvent de dérogations selon les juridictions. Mais l’avenir risque de s’avérer plus compliqué pour le constructeur – qui s’y prépare.
Aujourd’hui, en comparaison des objectifs 2021 de l’Union européenne en termes d’émission de CO2 fixés à 95 grammes en moyenne par kilomètre, Ferrari bénéficie d’une dérogation fixée à 277 grammes par kilomètre. Mais au niveau régional européen comme en France, l’étau se resserre : l’Etat menace les acheteurs de véhicules polluants d’une taxe supplémentaire, qui pourrait majorer de €50’000 le prix d’une Ferrari d’ici à 2022.
Aux Etats-Unis, la marque a reçu une dérogation pour 2021 en raison d’un niveau de moins de 5’000 véhicules vendus annuellement sur le territoire, tout comme les marques Aston Martin, Lotus et McLaren. La société s’attend en outre à une extension de cette dérogation jusqu’en 2025. Dans le cas contraire, elle devra s’engager à acheter des crédits CAFE (Corporate Average Fuel Economy).
Quant à la Chine, elle exige depuis l’an dernier une consommation maximale de 5,0L/100km en moyenne au niveau national, exigence qu’elle réduira à 4,0L/100km d’ici à 2025 – soit environ quatre fois moins que la consommation moyenne d’un véhicule Ferrari standard. Pour ce marché, l'enterprise s’attend à devoir s’engager à acheter des crédits NEV (New Energy Vehicle) de sorte à pouvoir bénéficier d’une dérogation.
La société prévoit que le nombre et l’étendue des réglementations et leur effet sur leur structure des coûts et sur leur gamme de produits présente un risque d’augmentation significatif à l’avenir6.
Pour faire face à ce changement de paradigme et pour fournir la preuve de son aptitude à y répondre, l'entreprise équipe ses bolides de formule 1 de motorisations hybrides depuis 2014 et ses modèles commerciaux LaFerrari depuis 2013 et LaFerrari Aperta depuis 2016. La marque commercialise en outre depuis le 4e trimestre de 2020 le SF90 Stradale, sa nouvelle production hybride rechargeable en série, équipée de trois moteurs électriques en plus d’un V8 à essence.
Schéma de motorisations du SF90 Stradale
Illustration extérieure du SF90 Stradale
D’ici à 2022, Ferrari affirme que 60% de ses modèles seront équipés d’un groupe motorisé hybride. Force est donc de constater que dans la course à l’électrification de ses véhicules, l'entreprise ne se repose pas sur ses lauriers. Les brevets déposés par la société sur ce domaine de sa recherche confirment une priorité stratégique. Si bien qu’il est possible que deux versions entièrement électriques du premier SUV du constructeur dénommé « Purosangue » soient commercialisées en 2024 et 2026.
Ferrari prend donc cette évolution à cœur et son CEO remarque d’ailleurs à ce sujet dans sa conférence en relation avec ses résultats du 3e trimestre 2020 que « nous sommes encouragés par les données démographiques de la SF90 Stradale ». Car son carnet de commandes comporte la clientèle la plus jeune en moyenne parmi tous les modèles que la marque propose. Cette dynamique a donc peut-être quelque chose à voir avec des considérations environnementales généralement plus prononcées dans les esprits des jeunes générations.
Pour protéger ses marges bénéficiaires plus proches d’une grande marque de luxe que d’une marque automobile, la marque semble donc prête à relever le nouveau défi du tout électrique dans un futur assez proche.
Un investissement dans l’action Ferrari n’est bien évidemment pas dénué de risques. Parmi les plus importants, il y a lieu de noter :
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